Recording Pioneers


Roger Alfred Pierre ARRAZAU  1893-1978   arrowarrow PIONEER    PARENTS    LIFE    NOTES    LABELS    PHOTOS    THANK YOU

PIONEERRESPOND

Roger Alfred Pierre ARRAZAU  1893-1978

aka Roger A. P. Arrazau, R. A. P. Arrazau, R. Arrazau
nationality
occupation
birth 9 Apr 1893, Le Mans, FRANCE
baptism
death 18 Sep 1978, Chatou (Yvelines), FRANCE
burial
marriage married on 23 Oct 1920, Saint Germain-en-Laye
Simone Gilberte Noëlle Marie GRELIER

b. ........
d. ............


divorced on 2 Nov 1950.
children
  • Yolande

    b. .... <1926>, .........
    d. 20 July 2011, Chatou, FRANCE


PARENTS

father Alfred ARRAZAY

b. .... <1867>, ...........
d. .................

mother Angèle Louise LÉTURMY

b. .... <1870>, ...........
d. .................

marriage
children
  • Roger Alfred Pierre

    b. 9 Apr 1893, Le Mans, FRANCE
    d. 18 Sep 1978, Chatou (Yvelines), FRANCE


LIFE


Roger Arrazau was one of the first two Pathé engineers working for the Archives de la Parole in 1911 (the other one being Eugène Ravenet).
[source: Thomas Henry]


- 167 — CHRONIQUE
Enquête phonographique sur les patois d'Ardenne.
Le phonographe reproduit d'une manière presque parfaite non seulement la voix chantée, mais la parole elle-même. Il était naturel que l'on pensât à utiliser cet appareil pour la transcription des patois. Le phonographe — qui photographie la parole — peut rendre les sons du patois avec plus de précision que la graphie la plus précise ; il est seul capable de noter exactement la vitesse du débit, la force de l'articulation, les nuances les plus délicates de l'acceul d'intensité et de l'accent musical du mot et de la phrase. Ce qu'il y a de plus personnel, de plus insaisissable dans le parler d'un individu ou d'une commune, est fixé à jamais sur des disques maniables et faciles à multiplier. M. Ferdinand Brunot, professeur à la Sorbonne et directeur des Archives de la Parole, a eu le premier l'idée audacieuse d'organiser une mission pour recueillir sur place les patois vivants. Il a conçu un appareil portatif et réglé dans les moindres détails les principes et les conditions matérielles de la première Enquête phonographique. Le succès de cette Enquête a été complet ; en moins d'un mois l'expédition a parcouru une trentaine de villages ardennais, en France et en Belgique (1), et recueilli plus de deux cents disques. Durant tout ce temps j'ai accompagné la mission à titre de linguiste.
Cette enquête dialectologique ordinaire ne nécessite pas un déploiement particulier d'appareils : il n'en est pas de même quand on est obligé de déplacer rapidement un matériel lourd et encombrant avec une réserve importante de cires. Une automobile Aida de quarante chevaux, capable de grimper les côtes les plus ardues, emportait avec le chauffeur les deux linguistes, l'ingénieur, et deux cents kilogrammes de bagages. Elle fit ses preuves dans la vallée de la Semoy belge : de Vresse à Chairières, de Chairières à Rochehaul, de Poupehan à Corbion, dé Bouillon à Cugnon par les Hayons et Auby, elle escalada
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allègrement les côtes les plus imposantes. Elle nous permit d'aller où nous voulions — quand nous voulions; de visiter les points les plus reculés, de nous transporter continuellement d'.un village à l'autre suivant les exigences de nos études ou de notre ravitaillement. Je serais ingrat de ne pas lui consacrer un souvenir affectueux et admiratif, ainsi qu'à notre mécanicien, M. Lucien Poitoux, dont l'habileté nous permit d'arriver toujours et partout, sans accroc et sans victime. L'automobile, puissante et rapide, est l'instrument indispensable de toute enquête phonographique.
C'est qu'un phonographe inscripteur est un appareil assez compliqué. Le nôtre a été créé par la maison Pathé frères, spécialement pour notre Enquête. Alors que les appareils fixes occupent une chambre entière et inscrivent des cylindres de cire de quarante centimètres de longueur sur vingt centimètres de diamètre, notre machine, de la taille d'un Ronéo, utilise des disques de vingt-quatre centimètres de diamètre, qui permettent de noter une conversation de deux minutes. L'âme de l'appareil est un diaphragme, constitué par une lame de cristal excessivement mince (douze centièmes de millimètre). Ce diaphragme communique avec un pavillon devant lequel se place le sujet. Il porte à sa partie inférieure un saphir taillé « en gouge de sculpteur » qui creuse un sillon sur le disque de cire. Le diaphragme est monté sur un chariot qui glisse le long d'une barre horizontale : un peigne qui s'engrène sur un filetage l'entraîne d'un mouvement régulier et continu de la circonférence vers le centre du disque. Le disque de cire molle est placé horizontalement sous le diaphragme et tourne à la vitesse de quatre-vingt-dix tours à la minute par l'effet d'un mouvement d'horlogerie; cette vitesse a une importance capitale ; une différence de quelques tours en moins ou en plus suffit pour abaisser ou relever d'un demi-ton le timbre de la voix. Quand le sujet parle devant le disque en mouvement, le diaphragme vibre à l'unisson de la voix et inscrit sur la cire les moindres vibrations par l'intermédiaire du saphir. Celui-ci détache un copeau extrêmement ténu qui présente au microscope le profil d'une scie aux dentelures irrégulières : ces dentelures sont de l'ordre du centième de millimètre. Le copeau est rejeté hors du sillon à l'aide d'une soufflerie : un crapaud, mû par le pied de l'ingénieur, sert à l'actionner. Si le copeau vient à s'enrouler autour du saphir inscripteur, il forme frein et empêche
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le sillon de se creuser : c'est une faiblesse, le plus fréquent des accidents d'inscription. Le manque d'homogénéité des cirés peut être aussi la cause de piques et de faiblesses. Le sillon une fois tracé par le saphir, le disque de cire est un positif qui peut immédiatement reproduire les paroles du sujet au moyen d'un diaphragme reproducteur Pathé. Sur ce positif de cire molle on moule par la galvanoplastie un négatif de métal : ce négatif sert à frapper les disques définitifs, semblables à ceux du commerce. L'appareil, les cires et tout l'outillage avaient été mis gracieusement à la disposition des Archives de la Parole par M. Pathé; M. Roger Arrazau, ingénieur de la maison Pathé, s'est acquitté avec bonheur de l'enrégistrement, dont les difficultés techniques sont très grandes. L'arrivée de la mission était un événement pour le village. L'auto passait dans un nuage de poussière et un envolement de volailles. Dès l'arrêt, on formait cercle autour de nous. L'ingénieur installait sa machine à l'école ou sur une table d'auberge; le linguiste se mettait en quête d'un sujet. La séance commençait par une expérience préparatoire, où le linguiste, parlant dans le pavillon, expliquait nos intentions et le maniement de l'appareil. Immédiatement le disque reproduisait ses paroles à l'émerveillement des assistants, et le patient s'installait. Je lui ai toujours laissé la plus grande liberté afin qu'il pût s'exprimer aussi naturellement que possible. Nous avons renoncé à faire traduire des phrases ou un texte suivi pour n'inscrire que de la parole improvisée. Quelquefois le sujet était capable de parler deux minutes sans s'arrêter; il fallait souvent le préparer, lui indiquer un objet de conversation, et exécuter, avant le disque définitif, une petite répétition. Toutes les fois que j'ai pu le faire, j'ai enregistré, au moyen d'un pavillon double, une conversation entre deux personnes. Nos sujets, après quelques hésitations bien naturelles, ont mis la plus grande bonne volonté à parler dans notre pavillon, — notre Couônc], — suivant le mot d'une bonne femme d'Auflance. Il était rare que nous quittions une maison sans que toute la famille — et quelquefois le chat — ait atouné (1) son disque. J'ai été frappé de la facilité, de l'aisance, — et quelquefois même de l'éloquence — avec laquelle s'exprimaient nos sujets. Il est curieux de remarquer que personne ne reconnaît
(1) Le mot est d'un jeune homme de Gérouville. Le pavillon, la buse, comme nous disions, était pour lui un entonnoir.

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sa propre voix, tout en admirant la fidélité avec laquelle l'appareil rend la voix des autres personnes. Il est certain que l'on ne s'entend pas parler: soit que le travail de l'articulation modifie l'impression auditive, soit plutôt que l'audition se fasse par l'intermédiaire des os du crâne ou par la trompe d'Eustache, et non par l'oreille externe.
Nous avons cherché dans nos disques le plus de variété possible. Deux bonnes femmes expliquent comment elles font leur ménage ou simulent une dispute à la fontaine. Le sujet décrit la culture et le travail du chanvre ; il raconte la fenaison, la moisson. Nous avons des disques sur les fêtes, sur la fraude, sur les élections; nous avons des contes populaires, sur la harpette de Villers-devant-Orval, qui se changeait en poule noire, et sur les coiffetles de Margny, qui poursuivaient les passants attardés. J'ai même eu le bonheur de trouver à Gespunsart une femme qui a été vraiment ensorcelée et qui nous a raconté ses malheurs. J'ai recueilli quelques vieilles chansons en patois et surtout en français. C'est dans l'inscription des chansons que l'on peut apprécier les avantages du phonographe, qui note sur-le-champ musique et paroles avec une exactitude parfaite. Mais nos documents ne présentent pas seulement un intérêt dialectologique et historique : ils ont une importance philosophique. Les sujets pensent devant l'appareil: on voit comment ils composent leurs récits : le phonographe inscrit la pensée humaine sans correction et sans retouche, avec l'accent originel. Nos disques, conservés aux Archives de la Parole, à la Sorbonne, constitueront pour l'avenir une bibliothèque parlante : les patois s'y survivront à eux-mêmes dans leur variété infinie ; mais ce sera aussi un musée de littérature, d'éloquence et de pensée populaires. Il semble même possible, sous l'influence des documents de ce genre, que l'usage du phonographe se généralise, el qu'on doive bientôt conserver dans chaque famille, avec le même soin pieux qu'une photographie, les disques qui sauveront « l'inflexion des voix chères qui se sont lues ».
Pour mener à bien notre Enquête, nous avons dû faire appel à la bonne volonté de tous. MM. les Instituteurs ont mis à notre disposition leurs salles d'école avec une complaisance charmante ; grâce à eux, nous avons pu trouver les personnes les plus capables de s'exprimer facilement et correctement en patois. Quelquefois nous avons eu le bonheur de rencontrer des sujets
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d'une valeur exceptionnelle, qui nous ont fourni des documents d'un grand intérêt: M. Paulin Lebas, de Sévigny-la-Forêt, et M. Bricau, de Charbeaux : je suis heureux de leur exprimer ici toute ma reconnaissance. Mais il serait iujuste d'oublier la foule anonyme de nos collaborateurs : partout où nous sommes passés, chacun s'est efforcé de faciliter notre lâche dans la mesure de ses moyens. Après avoir parcouru une fois de plus les villages du pays d'Ardenne, je dois un souvenir affectueux à l'hospitalité ardennaise, et je remercie tous mes compatriotes de leur obligeance, que nous avons dû soumettre parfois à de rudes épreuves. Grâce à leur zèle, les vieux patois d'Ardenne ne périront plus et les générations futures pourront entendre résonner à jamais la voix âpre et chantante de leurs ancêtres.
(1) La liste complète de ces villages peut être utile à ceux qui s'intéressent aux patois. Ce sont, du nord au sud, en France : Foisclies, Landricliamps, Chooz, Ham-sur-Meuse, Hargnics, Haybes, Fumay, Linchamps, Thilay, Sévigny-la-Forêt, Braux, Gespunsart, Sormonne, Charlinaux, Autlance, Margny, Thonne-le-Thil ; — en Belgique : Anseremme, Bièvre, Orchimont, Bolian, Vresse, Rochehaut, Bouillon, Auby, Chiny, Florenville, Gérouville, Sainte-Marie-sur-Semoy, Habay-la-Neuve.
Charles Bruneau



NOTES

  • La Musique enregistrée. Chronique des disques. Le chant en français by J. Bouyer (in: Echo d'Alger of 1 May 1929)
  • La Musique enregistrée. Chronique des disques. Le chant étranger by J. Bouyer (in: Echo d'Alger of 8 May 1929)
  • Pathé Marconi à Chatou. De la musique à l'effacement des traces by Jean-Luc Rigaud (CLASSIQUES GARNIER, 2011) ISBN 10: 2812403381 / ISBN 13: 9782812403385
  • Chronique. Enquête phonographique sur les patois d'Ardenne by Charles Bruneau (in: Revue d'Ardenne & d'Argonne : scientifique, historique, littéraire et artistique publiée par la Société d'études ardennaises La Bruyère - 1912/07 (Année 19, N°5)-1912/08 (pp. 167-171)
  • website https://www.filae.com/v4/genealogie/searchapi.mvc/search
  • Le ronéophone Pathé, au cœur de l’enquête des Ardennes by Pascal Cordereix and Luc Verrier (in: Revue de la BNF 2017/2 (n° 55), pages 40 à 51 (internet)
  • website gallica.bnf.fr
  • Mission phonographique en Roumanie (1928) (on website gallica.bnf.fr


COMPANIES & LABELS


PATHÉ


PHOTOS

Constantine, Algeria, 1927
(courtesy Jean-Luc Rigaud)



THANK YOU


Thomas Henry
Christian Zwarg